« Belle et cruelle »

La nature est belle. Elle sait également être cruelle et dans tous les cas, c’est elle qui a le dernier mot. La Bourgogne et plus globalement le vignoble français dans sa quasi-totalité, viennent de se voir rappeler cette évidence avec la plus grande des fermetés sous la forme de trois nuits de gel d’une intensité historique. Les pertes sont impossibles à ce jour (début mai) à évaluer avec certitude et beaucoup affirment même que l’étendue exacte des dégâts ne sera véritablement connue qu’au moment des vendanges. Ce n’est probablement pas satisfaisant pour les journalistes pressés que nous sommes mais c’est pourtant frappé sous le sceau du bon sens.


Pour autant, l’emballement gagne aussi le milieu viticole qui après chaque sécheresse, chaque canicule, chaque gel, relance le débat sur des porte-greffes plus tardifs, sur des cépages anciens, oubliés, qui résisteraient mieux à la chaleur… La recherche et l’expérimentation ont toujours fait progresser les techniques viticoles, œnologiques, au service des vigneron (ne) s, de la qualité de leurs vins et au final, pour la plus grande satisfaction des consommateurs. Pour autant, la vigne n’est pas une céréale annuelle. Elle est là pour 40, 50, 60 ans et plus, et qui peut bien avoir la moindre idée de ce que sera le climat en 2061 ou 2071 ? Les prédictions sont connues et certaines n’excluent d’ailleurs pas le paradoxe d’un climat terrestre qui continuerait de se réchauffer tout en se traduisant par un refroidissement, au moins temporaire, en lien avec une perturbation du Gulf Stream, dans nos régions. Comment imaginer dans ce cas un vaste mouvement de restructuration du vignoble destiné à « combattre » la chaleur qui se heurterait alors de plein fouet dans le mur d’un climat plus frais ? La nature est belle, cruelle, mais il va falloir redoubler d’ingéniosité en cave et dans les vignes, « faire avec » tout simplement, patiemment, en s’inscrivant dans le long terme, comme la Bourgogne a finalement toujours su le faire depuis des siècles. Elle en a vu d’autres…

Christophe Tupinier

Rédacteur en chef de « Bourgogne Aujourd’hui »

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